Le rapport de l’Inserm confirme des maladies liées aux pesticides
Un groupe de chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale a publié mercredi 30 juin un rapport d’expertise collective confirmant la relation entre certaines maladies et une exposition aux pesticides. Trois substances en particulier ont été passées au crible : le glyphosate, le chlordécone et les fongicides SDHI. Quels sont les effets des pesticides sur la santé humaine ? Quels conclusions pour ce rapport ? Explications dans cet article…
Le glyphosate, le chlordécone et les fongicides SDHI mis en cause
Des premières réponses avaient été évoquées dès 2013, lorsque l’Inserm avait publié une expertise collective. Les chercheurs de l’Inserm ont compilé des milliers de données évoquant des centaines de pesticides différents, mais ils ont aussi choisi de se concentrer sur trois substances précises : le glyphosate, le chlordécone et les fongicides SDHI. Pour l’herbicide glyphosate – toujours autorisé en France, malgré les promesses d’interdiction d’Emmanuel Macron — l’expertise conclut à une présomption moyenne de lien avec les lymphomes non hodgkiniens.
Le chlordécone, insecticide utilisé dans les plantation de banane aux Antilles françaises de 1973 à 1993, persiste dans l’environnement. Il a contaminé les sols, donc les denrées alimentaires et avec elles l’ensemble de la population.
La causalité de la relation entre l’exposition au chlordécone et le risque de survenue de cancer de la prostate est jugée vraisemblable
Lire le rapport complet >>
Enfin, l’expertise collective regrette le manque de données épidémiologiques sur les effets sanitaires des fongicides SDHI. Des études existent sur des poissons, des rats et des souris (et suggèrent des effets de perturbateurs endocriniens et des effets cancérogènes) mais leurs modèles ne sont pas extrapolables à l’être humain.
Conséquences sanitaires chez l’adulte
Cette nouvelle expertise collective confirme la relation entre une exposition aux pesticides et certaines pathologies.
Chez l’adulte, les chercheurs ont accrédité un lien de présomption forte entre une exposition professionnelle aux pesticides (les personnes manipulant régulièrement ces produits dans le cadre de leur travail, les agriculteurs par exemple) et le lymphome non hodgkinien (un cancer du système lymphatique), le myélome multiple (un cancer de la moelle osseuse), le cancer de la prostate et la maladie de Parkinson. Le groupe de travail de l’Inserm a étudié des produits qui sont encore utilisés, comme le glyphosate, mais aussi des substances interdites depuis plusieurs décennies, persistantes dans l’environnement, comme l’insecticide DDT et le chlordécone.
Concernant les tumeurs du système nerveux central, l’expertise confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle des parents aux pesticides (sans distinction) pendant la période prénatale
> (opens in a new tab)” rel=”noreferrer noopener nofollow”>Voir le rapport >>
Conséquences sur la santé de l’enfant
Les enfants ne sont pas en reste – même si moins de données existent dans leur cas. Les récents résultats ont montré une présomption forte de lien entre une exposition aux pesticides (usage domestique) de la mère pendant la grossesse et des leucémies aiguës chez l’enfant. Si la mère est exposée à ces produits durant la grossesse de manière professionnelle, les études ont davantage montré un lien avec des leucémies aiguës myéloïdes. Un nouveau lien (présomption moyenne) a aussi été mis en évidence entre le risque de leucémie aiguë lymphoblastique et l’exposition professionnelle du père, avant la conception du bébé.
La carte des pesticides en France
En France, la loi fixe en théorie des distances minimales pour les épandages de pesticides à proximité des habitations (entre 5 et 20 mètres selon le type de produits et de cultures). En théorie seulement car des “chartes d’engagement” départementales permettent de déroger à ce socle national, au détriment de la santé des riverains. Sanctionnées par le Conseil constitutionnel, ces chartes figurent pourtant toujours sur le site officiel de nombreuses préfectures. 8 associations, dont France Nature Environnement, se sont alliées pour demander leur retrait.
Le 19 mars 2021, et à la demande de ces organisations, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions portant sur l’élaboration des chartes qui encadrent l’usage des pesticides près des habitations. Les sages ont jugé que la loi EGALIM qui avait créé ces « chartes » méconnaissait le principe d’information et de participation du public érigé à l’article 7 de la Charte de l’environnement, puisqu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement “dès lors qu’elles régissent les conditions d’utilisation à proximité des habitations des produits phytopharmaceutiques, lesquels ont des conséquences sur la biodiversité et la santé humaine“.
L'ONG Générations Futures a salué les conclusions de cette nouvelle expertise rendue par l'INSERM qui ne font que renforcer celles d'il y a déjà 8 ans. Il est donc plus que temps pour le gouvernement d'agir vraiment pour une réduction forte de l'usage des pesticides, ce qu'il a échoué à faire jusqu'à présent, faute d'une réelle volonté politique. Preuve en est, ces 45 dérogations que les préfets vont devoir abroger faute de cadre juridique légal. De son côté l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP) - qui porte bien mal son nom puisqu'en fait il s'agit du regroupement des fabricants de produits phytosanitaires (chimique) - déclare que "la grande majorité des substances actives présentant des liens avec des pathologies ne sont aujourd'hui pas ou plus autorisées sur le marché français pour des usages agricoles". Malheureusement le ver est déjà dans la pomme... car les sols pollués depuis des dizaines d'années le resteront encore pendant très longtemps !
Les commentaires ne sont pas autorisés.