Procès de la fraude au CO2 à Marseille
Accusées d’avoir monté l’escroquerie de tous les records, à partir d’une faille dans la législation sur les quotas carbone, 36 personnes comparaissaient lundi. Le dossier regorge d’écoutes accablantes pour «la marraine du Panier» et ses acolytes. L’escroquerie s’élève à 283 millions d’euros sur le marché des quotas d’émission de CO2. Explications dans cet article…
De tous les dossiers de fraude à la taxe carbone, celui qui est jugé à partir de lundi à Marseille est le plus important. Autant par son ampleur – 36 personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel – que par le préjudice causé : 385 millions d’euros. Un record. Mais dans la légende noire du C02, le dossier marseillais a aussi pour singularité de s’articuler autour d’une femme, fait notable dans un milieu largement dominé par les hommes. Surnommée la «marraine du Panier», ce quartier historique de la cité phocéenne qui surplombe le Vieux-Port, Christiane Melgrani, apparaît en effet comme «l’une des actrices principales de l’escroquerie» aux yeux des magistrats.
“Comme s’il suffisait de rentrer dans une banque sans gardien” – propos extrait des écoute téléphonique entre les protagonistes
Comment çà marche une fraude au CO2 ?
La Marseillaise d’origine corse se rapproche en particulier de Grégory Zaoui, considéré comme l’inventeur de la martingale qui va permettre à des centaines d’aigrefins de subtiliser 1,9 milliard d’euros à l’Etat français en à peine deux ans. Leur nouveau terrain de jeu est un marché immatériel à peine régulé mis en place dans le sillage du protocole de Kyoto. Afin de limiter les gaz à effet de serre, les entreprises reçoivent des «quotas à polluer» qu’elles peuvent acheter et vendre en fonction de leurs propres émissions. Ancien gamin de Pantin (Seine-Saint-Denis) ayant fait ses armes dans la contrebande de voitures de collection, Grégory Zaoui est le premier à détecter la faille. Il suffit d’acheter les quotas hors taxe à l’étranger et de les revendre toutes taxes comprises en France, sans reverser à l’administration fiscale la TVA facturée.
Baptisé Bluenext en France, le marché garantit l’anonymat des transactions et repose sur un réseau d’opérateurs agréés, autorisés à acheter et vendre sur la plateforme pour leur compte ou celui de tiers. Pour que la fraude fonctionne, il faut créer des sociétés-écrans et des comptes offshore, recruter des gérants de paille et trouver des avocats complaisants. D’abord testée à l’échelle marseillaise, l’arnaque va s’industrialiser à partir de 2008.
Bluenext est désormais fermé
Deux sociétés sont créées pour acheter et vendre les quotas carbone à une myriade de sociétés, à la tête desquelles Christiane Melgrani place certains de ses proches, dont sa compagne, Angelina. Une fois les bases posées, la fraude est d’une simplicité biblique. «C’est comme s’il suffisait de rentrer dans une banque sans gardien», résumera un des acteurs de l’arnaque sur écoute. En quelques mois seulement, 385 millions d’euros se volatilisent.
Pour blanchir le produit de la fraude, Melgrani et Chetrit font appel à un «décaisseur professionnel», Raphaël Hadouk, dont le rôle consiste à opacifier tous les flux de blanchiment en intercalant ses sociétés entre celles mises en place par Chetrit et Melgrani. «Y’a des personnes qui veulent des espèces et d’autres qui veulent s’en défaire, expliquera-t-il aux enquêteurs. Mon rôle est de faire l’intermédiaire entre les deux sans qu’ils aient à se connaître. J’achète et je vends de l’argent.» Ces multiples opérations de compensation ont pour avantage de rendre quasiment impossible l’identification des bénéficiaires économiques finaux des opérations.
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