Pêche électrique : la fraude néerlandaise laisse place à son interdiction
Depuis le 1er juillet 2021 l’interdiction totale de la pêche électrique en Europe est enfin entré en vigueur ! Cette interdiction, c’est l’histoire d’un cataclysme environnemental et social évité de justesse : sans elle, la centaine de licences pêche électrique ayant transformé la mer du Nord en un désert, et entraîné nombre de faillites de pêcheurs artisans européens, se serait transformée en plusieurs centaines de licences. Cette interdiction, c’est surtout l’histoire d’un combat que tout le monde croyait perdu d’avance mais qui a été gagné grâce au soutien des citoyens et à l’acharnement de l’association BLOOM. Explications…
C’est un véritable coup de tonnerre qui intervient la veille de l’interdiction totale et définitive de la pêche électrique en Europe. Après avoir eu accès à des documents internes de l’administration néerlandaise, le journaliste d’investigation Thomas Spekschoor dévoile dans son enquête les manipulations des Pays-Bas pour obtenir illégalement des licences. Les Néerlandais avaient en effet réussi à équiper 84 chalutiers à la pêche électrique au lieu de la quinzaine autorisée par le règlement européen.
Quelles responsabilités pour la commission européenne ?
Tout commence en 2006 par un mensonge déjà révélé par BLOOM : les 22 premières dérogations pour pratiquer la pêche électrique sont émises par la Commission européenne contre l’avis des scientifiques du Comité Scientifique, Technique et Économique des Pêches (CSTEP) dont elle prétend pourtant avoir obtenu l’aval. En outre, ce nombre dépasse déjà la limite des 5% de la flotte de chalutiers à perche.
En 2010, les Pays-Bas demandent à faire de la recherche scientifique sur 20 navires. Ils obtiennent l’accord de la Commission européenne qui pensait que la recherche serait effectuée sur les 22 navires déjà équipés. En 2011, la Commission ouvre une enquête lorsqu’elle découvre que ce permis de recherche a été utilisé par les Pays-Bas pour octroyer 20 licences supplémentaires portant ainsi à 42 le nombre de navires pratiquant la pêche électrique.
En 2014, la Commission européenne décide soudainement de s’accommoder des mensonges des Pays-Bas en considérant que les 42 navires ne représentent plus que 5% de la flotte. Elle donne son accord par la même occasion pour doubler le nombre de navires pratiquant la pêche électrique, soit 84 licences au total. Comme l’indique le journaliste : “Les Pays-Bas abusent du fait que la Commission européenne ferme les yeux sur le trop grand nombre de navires qui pêchent déjà avec la technique du chalut électrique.”
La fuite en avant de la Commission européenne s’est poursuivie en 2016 : elle proposait de lever la limite des 5% et de généraliser la pêche électrique en mer du Nord. Cette disposition lui aurait permis de légaliser toutes les licences frauduleuses existantes et de faire tomber dans l’oubli sa connivence avec les Pays-Bas.
Quand les industriels de la pêche s’infiltrent dans les instances de décision
La puissance des industriels néerlandais de la pêche est un trésor bien gardé. Dans les coulisses, leurs lobbys infiltrent les instances de représentation professionnelle et les institutions européennes pour influencer considérablement les décisions publiques vers leurs intérêts privés.
Janvier 2018. BLOOM est en pleine campagne pour l’interdiction de la pêche électrique, déployée par les industriels néerlandais de la pêche. Alors que les représentants des pêcheurs français (le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins — CNPMEM) affichent publiquement leur position contre la pêche électrique, ils trahissent les pêcheurs artisans en appelant les élus européens à voter pour la généralisation de la pêche électrique la veille du vote.
Curieusement, à la vice-présidence du CNPMEM siège Antoine Dhellemmes, ancien Directeur général de France Pélagique, un armement de pêche repris désormais par son fils. France Pélagique appartient au groupe néerlandais Cornelis Vrolijk qui a converti toute sa flotte de chalutiers à perche à la pêche électrique ! Antoine Dhellemmes est également directeur de l’organisation de producteurs FROM Nord qui gère les quotas, une position plutôt commode…
Mais l’infiltration néerlandaise va bien au-delà et atteint les plus hautes sphères européennes ! BLOOM découvre que le Néerlandais Joost Paardekooper, adjoint d’Ernesto Bianchi à la Direction des pêches de la Commission (DG MARE) était ” Attaché pêche des Pays-Bas à l’Union européenne ” entre 2005 et 2009, avant de rejoindre la Commission européenne. Dans le cadre de notre campagne pour l’interdiction de la pêche électrique, BLOOM a demandé l’ouverture d’une enquête européenne en juin 2018 pour suspicion de fraude auprès de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Coup de théâtre : Ernesto Bianchi était alors à la tête de l’OLAF. On le suppose bien guidé par son ancien assistant néerlandais puisque notre plainte n’a jamais obtenu de réponse…
L'avenir de l'Océan ne devrait pas se décider en coulisses et dans le seul intérêt des lobbys industriels. Citoyens français et européens, soutenir des associations comme Bloom permet d'identifier et de dénoncer ces conflits d'intérêts et abus de pouvoir qui détruisent l'Océan et compromet l'avenir des générations futures !
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